samedi 7 mars 2009

Dementia

Chapter 1
Part 2

Les ailes n’ont jamais eu d’influences néfastes sur qui ce soit. Elles ont, au contraire, tendance à rendre celui qui les porte plus docile et sain d’esprit.

Toutefois, avec mon père ce fut différent.

C’était à son quarantième anniversaire, alors que notre famille avait tout pour être enviée, que les évènements prirent une tournure inattendue. Les plumes de mon père commencèrent à s’assombrir. Un voile noir s’étendait de plus en plus, jour après jour, sur ses ailes. Mais ça n’aurait pas suffit. Mon père devint en outre agressif, irascible. Il était alors cadre dans une grande entreprise.

Un jour pendant une réunion, il s’emporta pour une quelconque décision avec laquelle il n’était pas d’accord. Il s’est alors mis à insulter ses supérieurs, présents dans la salle, les menaçant, poing levé. Il fut bien évidemment renvoyé.

Il est vrai qu’il avait un boulot épuisant, qu’on le surchargeait de travail parce qu’il ne se plaignait jamais, et qu’en plus, ils avaient tendance à ignorer ses propositions, mais il avait toujours réussi à maitriser ses émotions et à dominer son envie de cracher au visage de ses supérieurs tout le mal qu’il pensait d’eux.

Aujourd’hui encore il le regrette quand il y pense, et pour cause : on vit désormais chez grand père, et ce crétin joue la carte de la pitié.

Il faisait nuit sombre et j’arpentais les pièces de la maison à la recherche de quelqu’un. J’avais l’impression que je ne connaissais pas très bien cette maison qui pourtant était la mienne. J’errais de chambre en chambre ignorant qui chacune d’entre elle abritait, tournant les talons à chaque fois, signe que je n’avais pas encore trouvé celui ou celle que je cherchais.

Je finis par me résigner à descendre au rez-de-chaussée, supposant que ma proie devait encore veiller.

Je pénétrai dans le salon où je finis par trouver ce que je cherchais. Mon père était là, allongé sur le canapé. Il sombrait dans un sommeil profond et je me rappelai soudain que sa noirceur nouvelle l’avait obligé à se réfugier au salon de peur de faire du mal à ma mère dans son sommeil.

D’ailleurs on avait tous eu pour consigne de fermer nos portes à clé avant de dormir, alors pourquoi m’aventurais-je hors de ma chambre si tard dans la nuit ?

J’avançai doucement, me rapprochant de mon père, jusqu’à ce que mes pas me ramènent au pied du canapé. D’un ordre qui ne fut pas le mien, ma main droite s'élevât droit devant moi. Je me rendis alors compte que ladite main tenait un couteau. Elle s’abattit avec force et commença à taillader les plumes sombres de mon père, qui était couché sur le ventre.

Ma main arrachait si violemment les plumes noires et je criais si fort pour l’arrêter, mais aucun son ne semblait sortir de ma gorge.

Je me regardais, remplis de haine envers cette personne qui m’avait tant donné et tant appris. J’étais en train de lui enlever son âme, ses ailes.

Cependant, tout contrôle semblait m’échapper, et je ne pus stopper ma main qui s’abattait de nouveau.

J’avais presque fini ma besogne avec ses ailes lorsque mon père se retourna. Il tourna vers moi un visage transfiguré de colère, ses yeux étaient noirs et ses dents blanches menaçaient de mordre. Je plantais le couteau dans sa poitrine, et je ne pus réprimer un sourire au son de la lame s’enfonçant dans sa chair. Je n’avais même pas eu peur de la réaction de mon père et j’éprouvais une sorte de satisfaction que je ne pouvais m’expliquer.

Je regardais le sang dégouliner de l’entaille béante sans même prendre la peine de m’éloigner lorsque le sang atteignit mes pieds nus.

C’est lorsque le sang baigna mes pieds que je me réveillai. C’était dans la sueur que je baignais.

Je fus content de réaliser que ce n’était qu’un mauvais rêve, et encore plus ravi de voir qu’il faisait encore nuit et que mes plumes étaient encore sur mes ailes.

Je portai ma main sur ma poitrine, je haletais encore.

J’ouvris la fenêtre avant de m’envoler jusqu’au toit. Je m’assis et m’adossai contre la fenêtre du grenier.

Les étoiles étaient si loin. Pourtant, elles me semblaient si proches ce soir. Moi qui ne connaissais pas grand-chose de la terre, j’avais déjà envie d’aller ailleurs, à la conquête l’univers.

Plein d’idées fusaient dans ma tête. Je ne pouvais être la personne que j’ai vue dans mon rêve, ni la devenir d’ailleurs. Je n’étais pas rancunier, j’avais même du mal à haïr quelqu’un, aussi étrange que cela puisse paraitre. Devenir l’inconnu de mon rêve signifiait juste que mon âme devenait mauvaise. Dans ce cas là, il n’y aurait qu’une seule explication : que j’aie le même destin que mon père. Non que mon père fût une mauvaise personne. Ses sautes d’humeur échappaient tout simplement à son contrôle.

Mais cette explication ne pouvait être la bonne pour deux raisons. La première était que j’étais trop jeune. Alors que le mal de mon père l’avait frappé à la quarantaine, je n’avais que dix-sept ans. La deuxième était que ce qui m’arrivait n’avait rien à voir avec ce qui est arrivé à mon père, car il me semble que mon père n’a jamais perdu une seule de ses plumes. En outre, il ne s’est jamais plaint de douleurs dans le dos.

Je savais que même si je n’angoissais pas, je devais faire quelque chose. Jusque là je m’étais contenté d’attendre que mon cauchemar disparaisse aussi brusquement qu’il avait commencé. Au fond de moi j’étais convaincu qu’une telle chose ne pouvait durer bien longtemps. C’était une mauvaise passe, rien de plus. Une sorte de maladie dont je guérirais avec le temps. Une grippe. Oui c’était juste une vilaine grippe qu’on contracte dans les ailes.

Le verre glacial de la fenêtre soulageait mes cicatrices. Demain soir j’aurais un dos tout neuf, à condition que les évènements de ce matin ne se réitèrent pas.

To be continued...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je suis de plus en plus curieuse de connaitre la suite!
Waw, le coup du cauchemar était très fort.
Mais moi, j'attends toujours la suite de sa rencontre avec l'autre fille à la peau douce, eh oui je ne désespère pas d'avoir une belle histoire parmi ce tas de plumes ensanglantées :D

Samyouta